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FRANCE CULTURE – À LA DEMANDE – PODCAST
« Le GIEC, un autre machin onusien ? » C’est sous ce titre volontairement provocateur que « LSD, la série documentaire » nous plonge dans les méandres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), cet organe des Nations unies qui alerte inlassablement sur l’aggravation de la crise climatique. En quatre épisodes, agrémentés de nombreux témoignages et archives, le producteur Alain Lewkowicz donne à voir les batailles derrière la machine à consensus du GIEC. Il décrit les combats des chercheurs pour établir les faits scientifiques face aux pressions d’Etats pollueurs, et leurs velléités de s’engager plus fortement dans la société, faute d’être suffisamment entendus.
La naissance du GIEC, en 1988, est dès le départ ambiguë. Sa mission est d’évaluer et de synthétiser l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique, ses causes, ses conséquences et les solutions possibles pour le limiter, dans le but d’éclairer les décideurs politiques.
Cette institution est issue de la rencontre entre la communauté scientifique et le monde politique, en particulier de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, qui souhaitaient agir face à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère dont on commençait à modéliser les conséquences sur la hausse des températures.
Mais derrière une mobilisation politique authentique et précoce − la première conférence mondiale sur l’environnement date de 1972 − se cachait également la volonté de contrôler des scientifiques soupçonnés de militantisme écologique.
De là est née une organisation hybride et unique en son genre, dans laquelle les scientifiques doivent négocier en partie avec les délégations gouvernementales. Les membres du GIEC – en anglais Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) – sont les Etats, qui élisent le bureau et approuvent les « résumés à l’intention des décideurs » des rapports, ligne par ligne, en collaboration avec les scientifiques. L’objectif est de pousser les Etats à en endosser les conclusions.
Mais si les chercheurs ont le dernier mot, les messages controversés, notamment sur les énergies fossiles, ont parfois été supprimés des résumés, sous la pression des grandes puissances.
Malgré sa popularité et sa crédibilité, le GIEC fait l’objet de critiques dénonçant le manque d’engagement et la mollesse des grands messages, face à des politiques climatiques insuffisantes. « Les actions ne sont pas à la hauteur pour respecter nos engagements et nos engagements ne sont pas à la hauteur pour atteindre nos objectifs », résume l’économiste Céline Guivarch, une des autrices du sixième rapport du GIEC.
Frustrés par ce qu’ils perçoivent comme une « inaction », de plus en plus de scientifiques décident alors de sortir de leurs laboratoires pour investir l’agora. « Je n’y crois plus, témoigne l’écologue Wolfgang Cramer, également auteur du dernier rapport. Je m’interroge sur la pertinence de faire encore de la science. Le discours neutre ne prend plus. Il faut trouver d’autres moyens de s’engager dans la société. »
Comme lui, beaucoup de blouses blanches ont rejoint les rangs du collectif Scientifiques en rébellion, créé début 2020, qui revendique 1 900 sympathisants. Presque tous les mois, ils mènent des actions de désobéissance civile pour alerter : blocage d’axes routiers, intrusion sur le tarmac de Roissy ou encore occupation du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. « Que peut-on faire d’autre quand on commence à être terrifiés, à avoir des insomnies ? », questionne l’écologue Elodie Vercken. Ils appellent aussi à « dire clairement » qu’il n’y a plus de trajectoire crédible pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, comme le prévoit l’accord de Paris (2015).
Pourtant, l’action pour limiter les dégâts est encore possible. Dans les sous-bois de la Creuse, Alain Lewkowicz nous amène à la rencontre des militants, notamment de l’association Canopée, et de gestionnaires forestiers indépendants, qui se battent contre des coupes rases de chênes et de hêtres centenaires pour la production de bois-énergie. A la place de monocultures, ils défendent une sylviculture « mélangée à couvert continu » et la pratique d’éclaircies (la récolte de certains arbres), « afin de prélever les intérêts et non pas le capital ».
Une balade vivifiante et inspirante, à trois semaines de la prochaine conférence mondiale sur le climat, la COP29, en Azerbaïdjan, qui risque de décevoir par son manque d’ambition. On aurait toutefois aimé que le dernier épisode du podcast balaye d’autres solutions pour limiter les émissions et s’adapter au réchauffement − dans l’énergie, les bâtiments ou l’agriculture. Le GIEC le martèle : les options pour conserver un monde vivable sont nombreuses, efficaces et disponibles dès maintenant.
Le GIEC, un autre machin onusien ?, série de podcasts (Fr., 2024, 4 x 60 min). France Culture
Audrey Garric
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